Dans un arrêt rendu par la 1ère chambre civile le 23 janvier dernier (civ 1ère – 23 janvier 2014 – n° 12-22123) la Cour de cassation est venue préciser les contours de l’obligation d’information des professionnels de santé à l’égard de leurs patients et ainsi rejoindre la position du Conseil d’Etat. Dans un soucis de clarification des positions, cette décision récente est donc une bonne nouvelle.
Retraçons l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis 2010.
D’abord, dans un arrêt civ 1ère 3 juin 2010 – n°09-13591 la Cour de cassation avait affirmé que «le non respect du devoir d’information qui découle des risques inhérents à l’intervention cause à celui auquel l’information est légalement due un préjudice qu’en vertu du dernier des textes sus visés (ndr: art 1382 cciv), le juge ne peut laisser sans réparation».
A la lecture de cet arrêt, nous étions en droit de nous demander si le préjudice dont la victime pouvait demander réparation était inhérent au fait que son droit à l’information n’avait pas été respecté. En somme, qu’importe qu’il y ait dommage corporel, dès lors que le non respect de l’obligation d’information par le médecin était avéré, il pouvait en être demandé réparation.
Par la suite, ce point de vue a été confirmé par l’arrêt Civ – 1ère – 12 juin 2012 – n °11-18327 en ce que «le non-respect par un médecin du devoir d’information dont il est tenu envers son patient, cause à celui auquel cette information était légalement due un préjudice qu’en vertu de l’article précité (ndr: 1382 cciv), le juge ne peut laisser sans réparation».
Puis, comme si la Haute juridiction avait été prise de remords, par une décision rendue le 12 juillet 2012 ( Civ 1ère 12 juillet 2012 – n°11-17510) la Cour de cassation est venue préciser la nature du préjudice moral découlant de la violation de l’obligation d’information:
Il s’agit d’un préjudice né du défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé par l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle. Ainsi, le préjudice moral né du défaut d’information est nécessairement corrélé à une atteinte corporelle, faute de quoi la victime ne peut en obtenir réparation.
Tandis que la Cour de cassation semblait hésiter sur la nature du préjudice lié au défaut d’information du patient, le Conseil d’Etat quant à lui arrêtait une position claire dès 2010 (CE 10 octobre 2010 – n°350426):
«indépendamment de la perte de chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques encourus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’ a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions».
Avec l’arrêt du 23 janvier 2014 (civ 1ère – 23 janvier 2014 – n° 12-22123), la Cour de Cassation adopte la même solution que le Conseil d’Etat:
«indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques inhérents à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation».
La nécessité d’un lien de causalité entre le risque invoqué par la victime et l’acte réalisé.
L’arrêt du 23 janvier 2014 est également source d’un second enseignement: il ne suffit pas qu’il y ait d’une part manquement à l’obligation d’information du patient sur les risques encourus et d’autre part dommage corporel pour que le droit à indemnisation de la victime sur le terrain de l’obligation d’information soit acquis. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante.
Il importe en effet qu’il y ait un lien de causalité entre le risque invoqué par la victime et l’acte réalisé.
En l’espèce, la victime, ayant développé une sclérose en plaques dans les suites d’une vaccination contre l’hépatite B reprochait à son médecin d’avoir manqué à son obligation d’information sur les risques encourus par une telle vaccination. Or, la Cour de cassation est venue rappeler l’existence d’une quasi unanimité scientifique pour affirmer qu’ il n’existe aucun lien entre la vaccination contre l’hépatite B et le développement de la sclérose en plaques.
Dans ces conditions, même si le médecin a manqué à son devoir d’information, cela ne change rien pour la victime, qui ne pourra pas obtenir réparation de ce droit subjectif faute de lien de causalité entre le risque invoqué et l’acte incriminé.
En tout état de cause, c’est votre avocat, diplômé en droit du dommage corporel qui étudiera avec vous la pertinence d’une action fondée sur ce manquement.